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Le projet PapMedAn : Papyrus Médiévaux des Archives nationales, vers une meilleure connaissance des pratiques de l’écrit au haut Moyen Âge

 par Marie-Adélaïde Nielen, conservateur en chef au DMAAR

 

Les Archives nationales conservent environ 40 documents des époques mérovingienne (476-751) et carolingienne (751-987) rédigés sur papyrus, collection unique au monde qui fait de notre institution la plus riche détentrice de documents médiévaux sur ce support de l’écrit originaire de l’Égypte.

Acte de Dagobert Ier confirmant à deux de ses fidèles la possession de divers biens. 20 octobre 629-637, Archives nationales, K 1 n°9

 

La plupart sont des actes royaux produits par la chancellerie des rois mérovingiens, le plus ancien étant un diplôme du roi Clotaire II (584-628), père du « bon roi Dagobert », daté de juin 625. Mais on y découvre aussi des bulles pontificales, une lettre de l’empereur byzantin (le plus ancien document impérial byzantin conservé en original), ou des actes privés, comme le testament de la richissime dame Erminethrude : la liste des donations qu’elle y fait, bijoux, vases précieux, fermes, troupeaux…, ne mesure pas moins d’1 m 60, et pourtant le document est fragmentaire ! C’est dans ce document que l’on trouve la plus ancienne mention de la « sacro-sainte église de la cité des Parisiens » (la cathédrale de Paris), qui reçut en legs un grand plat d’argent valant 50 sous d’or, ce qui a valu à ce papyrus d’être montré au Louvre lors de l’exposition consacrée au Trésor de Notre-Dame de Paris (18 octobre 2023-29 janvier 2024).

 

Le projet de recherche PapMedAn, porté par les Archives nationales et financé par la Fondation des sciences du patrimoine (FSP), a été lancé début 2020 (et ralenti au début à cause des vicissitudes du covid). Il vise à mieux connaître ces documents prestigieux, les matériaux qui les composent (papyrus, encres, colles, traces de cire des sceaux), leur mode de fabrication, les conditions de leur mise en écriture, l’histoire de leur conservation et de ses remplois jusqu’à nos jours. En effet, un de leurs aspects les plus exceptionnels est qu’ils ont été remployés par les moines de Saint-Denis au XIe siècle pour forger de fausses preuves dans le cadre du procès qui les opposait à l’évêque de Paris. Découpés, collés et mutilés à cette occasion, redécouverts par Dom Mabillon au XVIIe siècle et donc décollés, rentoilés, restaurés avec les méthodes de l’époque, ils ont beaucoup souffert. Ces manipulations, faisant d’eux des pièces indispensables au projet de valorisation de la puissante abbaye royale, leur ont cependant probablement permis de parvenir jusqu’à nous.

Examens minutieux, réévaluation des textes et processus scientifiques d’investigation (analyses XRF, analyses des matériaux, imagerie multispectrale, etc.[1]) permettront, nous l’espérons, qu’ils livrent (presque) tous leurs secrets, à la manière d’un puzzle dont il manquera malheureusement toujours quelques pièces. Outre les Archives nationales, le Centre de recherche sur la conservation (CRC) et trois historiens spécialistes de la période font partie du projet PapMedAn, Josiane Barbier, Laurent Morelle et Rolf Grosse, ainsi, surtout, qu’une restauratrice du patrimoine spécialiste du papyrus, Solène Girard.

Photographie en ultra-violets de la lettre de Maginarius, abbé de Saint-Denis, à Charlemagne, 788. Archives nationales K 7 n°9/1

 

Le démarrage du projet s’est donc traduit par l’arrivée sur le site de Paris de Solène Girard, diplômée de l’INP, qui est en train d’établir une cartographie précise de ces documents, conservés entre deux plaques de plexiglas que nous avons appelées « UMC » pour « Unité matérielle de conservation ». En effet, en raison des nombreuses modifications que ces papyrus ont connues (découpage, collage, remploi, décollage, restaurations…), une seule et même UMC peut contenir jusqu’à quatre documents différents ! Les premiers examens de Solène Girard, qui ont déjà donné lieu à des découvertes étonnantes, se poursuivent et devraient s’achever cette année puisque 18 des 21 UMC ont déjà été étudiées par ses soins. Cette enquête a donné lieu, pour chaque document, à une fiche technique et à un constat d’état, ainsi qu’à une frise chronologique listant les diverses modifications subies, avec les dates supposées de celles-ci. Elle poursuit ces recherches pour le projet PapMedAn et aussi pour sa thèse de doctorat, dont une présentation peut être vue ici :

https://llx.fr/site/index.php/2025/05/03/moines-faussaires-the-monk-counterfeiters/

Analyse de spectrométrie de fluorescence X sur un acte de Clovis II. 642 Archives nationales, K 2, n°1

Ce projet de recherche est l’occasion de mener également une réflexion sur la préservation de ces documents aussi fragiles que prestigieux. Ayant subi au cours de leur longue vie de nombreuses modifications et restaurations, conservés depuis les années 1950-1970 entre deux plaques de plexiglas vieillissantes, les papyrus mérovingiens et carolingiens des Archives nationales auraient besoin d’être restaurés et reconditionnés de manière plus adaptée. Grâce à un mécénat de la fondation ArPaMed (Archéologie et Patrimoine en Méditerranée), sensible à la provenance égyptienne de ce support de l’écrit en usage en Europe occidentale jusque vers l’an mil, les documents vont être restaurés et reconditionnés par les restaurateurs des Archives nationales, qui bénéficieront pour cela d’une formation spécialisée. Espérons qu’ainsi ces papyrus si rares continueront à susciter l’émerveillement des chercheurs et des amateurs pendant des siècles !

 

[1] Nous procédons à deux types d’analyse :

  • la spectrométrie de fluorescence des rayons X (ou XRF pour X-ray fluorescence), qui est une technique d’analyse non destructive utilisant des rayons X pour identifier les éléments chimiques présents dans les encres (calcium, fer, cuivre, plomb, etc.) ;
  • la prise de vue en imagerie multispectrale qui consiste à capturer des images à différentes longueurs d’ondes, comme les infrarouges et les ultraviolets. Ces photographies permettent de faire ressortir des différences entre les matériaux qui seraient invisibles à l’œil nu.

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
AN/Moyen Âge et Ancien Régime (19 mai 2025). Le projet PapMedAn : Papyrus Médiévaux des Archives nationales, vers une meilleure connaissance des pratiques de l’écrit au haut Moyen Âge. Archives nationales, carnet de recherche. Consulté le 18 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/13y9f


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